Noren

 

 

Un sexe de femme est comme une montagne fendue. N'est-il pas désigné parfois sous le nom de « mont de Venus » ? Il faut ici qu'elle soit fendue, puisque du monolithe, de l'unité, elle procède à la scission, au dédoublement cellulaire. Chez Samiro Yunoki, il y a une scissiparité de la montagne. Derrière le rideau (Noren, en japonais) se cache un mystère irrévélé qu'inverse le mont Fuji dans sa figuration, assumant le négatif d'un monde dissimulé, pourtant sous nos yeux depuis toujours. Nous pouvons attendre ou redouter le séisme, il se répète à chaque naissance. Et chaque petite tête congestionnée est un éboulis hors du sexe de la mère.

 

La trichromie du tissu n'est ici pas innocente : du rouge des règles au bleu profond des eaux séparées (par Moïse devant l'enfance du monde ?) les fluides vitaux baignent le mont, qui lui est d'un vert apaisé, couronné d'un clitoris de neige. La fente du rideau opère une parfaite symétrie, une ligne de partage des eaux et de la roche, du liquide et du solide, du dedans et du dehors. Espace de scission et d'ouverture, il est le pli d'un origami macrocosmique : la montagne se déploie à partir du sexe de la femme dominant le monde. La courbe des flancs est bien celle des cuisses prêtes à ouvrir la voie. Il suffit d'écarter les rideaux... mais de quel côté se situe la lumière ? Léonard Cohen : « Il y a une fissure en chaque chose, c'est ainsi que la lumière entre » ; ici, le point lumineux qui nous accapare est ce triple sommet, la trinité des neiges éternelles. Trois instances de la procréation d'où irradient des flocons de photons...

 

 

 

 

 

Image © Samiro Yunoki, Mont Fuji (Noren) 1991. photo RMN Grand Palais

 

Texte © Camille Pouyet 2016